17/12/2011
Recherche

Impacts des OGM sur la santé : une étude biaisée et orientée

La revue Food and Chemical Toxicology va publier les résultats d’une
étude menée par une équipe de chercheurs, dont Agnès E. Ricroch de
l’institut AgroParisTech. ["Assessment of the health impact of GM plant
diets in long-term and
multigenerational animal feeding trials : a literature review", Snell C.
et al., 2011, Food and chemical toxicology]

S’intéressant aux travaux d’analyses toxicologiques de maïs, pomme de
terre, soja, riz et triticale GM, les chercheurs ont étudié 24 articles
scientifiques dont 12 portaient sur des études des effets à long terme
(plus de 90 jours) et 12 consistaient en une analyse
multigénérationnelle. Ces 24 études ont été sélectionnées par le biais
d’une base de données contenant 32 000 références bibliographiques, mise
en place par A. Ricroch notamment. La sélection a été faite à l’aide de
mots clefs (55 articles scientifiques comme résultats) puis en retenant
les études conduites sur des tests de plus de 90 jours ou
multigénérationnels. La conclusion des chercheurs est sans détour : "les
résultats de toutes ces 24 études ne suggèrent aucuns effets sur la
santé et, en général, aucune différence statistiquement significative
[entre plantes GM et plantes non-GM] n’a été observée dans les paramètres étudiés".
En clair, les OGM ne posent pas de problème sur le plan sanitaire, ce
qui permet à Agnès E. Ricroch d’affirmer, un peu vite on va le voir, que
"le débat sur les OGM d’un point de vue sanitaire est clos"
[Europe 1 avec AFP, le 15 décembre 2011,
http://www.europe1.fr/France/OGM-le-debat-sanitaire-est-clos-865041/].
Mais pour Marc Lavielle, membre du comité scientifique du Haut Conseil
des Biotechnologies (HCB), et interrogé par Gilles van Kote du journal
Le Monde, cette étude est "biaisée" et "extrêmement orientée"
[Le Monde, 16 décembre 2011, Gilles van Kote "Impact des OGM sur la
santé animale : le débat n’est toujours pas tranché"]. L’expert
français, chercheur en statistiques à l’Institut national de recherche
en informatique et en automatique (INRIA), analyse la valeur
scientifique de cette étude en précisant au journaliste que "ce qui est terriblement gênant, c’est qu’elle conclut à l’absence de différence [entre animaux ayant consommé des OGM et animaux n’en ayant pas consommé] sur
la base d’une méthodologie ne correspondant pas aux lignes directrices
publiées aussi bien par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de
l’alimentation [ANSES] que par l’Autorité européenne de sécurité des
aliments (EFSA)"
, soulignant même un cas de partialité des chercheurs puisqu’"ils
tiennent compte sans la critiquer d’une étude portant sur des groupes
de trois animaux, un échantillon bien trop faible pour permettre de
conclure quoi que ce soit"
.

Une méta-analyse ne saurait se contenter de compiler des publications
existantes. Il faut aussi en dégager les méthodologies et en présenter
une analyse critique, comme l’avait fait l’ANSES dans son rapport sur
l’évaluation du MON810. Notamment, quelles sont les hypothèses nulles
testées, quelles sont les puissances statistiques, etc. Enfin, même si
des études méthodologiquement correctes existaient, et qu’elles excluent
une différence entre les groupes, cela ne justifierait pas de déclarer
le produit étudié "sans risque sanitaire", qui est une conclusion non scientifique puisqu’elle dépasse largement la portée des données.

Il faut rappeler également que les experts européens, réunis au sein de
l’EFSA, ont justement fourni de nouvelles "règles" pour conduire ces
analyses, en 2011. Il est donc surtout attendu aujourd’hui que les
analyses fournies par les pétitionnaires dans les dossiers de demande
d’autorisation soient construites conformément à cette règle. Ce qui
n’est toujours pas le cas. Dans le cas précis du maïs MON810, Inf’OGM
avait d’ailleurs interpellé le gouvernement français sur l’incapacité de
la Commission européenne à certifier raisonnablement que le maïs MON810
n’est pas toxique. Article inf'OGM

Enfin, les impacts sur la santé ne sauraient être confinés aux seules
évaluations d’impacts de toxicologie comme le fait Agnès Ricroch. Il y a
également les questions d’allergénicité par exemple. Et l’on sait aussi
que le débat sur les OGM n’est pas confiné aux seules questions
sanitaires : des questions environnementales et économiques se posent
également, comme l’illustre le problème du pollen issu du maïs MON810
retrouvé dans le miel.

La chercheuse Agnès Ricroch, qui a travaillé sur cette métaanalyse
d’études sur les impacts sanitaires de plantes transgéniques, a
également effectué une présentation le 9 décembre 2011 au colloque "Ces
biotechnologies végétales qui façonnent les plantes cultivées" organisé
par la Fondation Écologie d’Avenir dont le Conseil d’orientation est
présidé par Claude Allègre. La présentation concernait "les bénéfices
économiques et environnementaux de cotonniers résistant à certains
insectes". Fondation Écologie d'Avenir

La scientifique y était présentée, de façon un peu alambiquée, comme travaillant "sur
l’analyse de la façon dont le domaine de validité des connaissances
scientifiques disponibles est évalué et pris en compte dans
l’intervention publique mettant en jeu l’articulation 'agriculture, la
conservation de la biodiversité et la cohésion économique'"
. Sa
présentation a été basée sur une autre métaanalyse d’études d’impacts
économiques et environnementaux (apparition ou non de résistance chez
les insectes cibles et non cibles de la protéine Bt) du coton Bt.
Effectuant ce travail en utilisant une base de données de références
scientifiques sur les plantes transgéniques comme pour l’étude abordée
ici, il est possible que d’autres métaanalyses d’études soient publiées.

Éric Meunier – Inf’OGM 16-12-2011